Notre récit démarre en Meurthe-et-Moselle, au nord de l’agglomération de Nancy et plus précisément dans la commune de Frouard où un radioamateur a sollicité l’ANFR car il subissait un brouillage sur ses installations radioélectriques.
Notre récit démarre en Meurthe-et-Moselle, au nord de Nancy, plus précisément dans la commune de Frouard : un radioamateur sollicite l’ANFR car il subit un brouillage sur ses installations radioélectriques.
Un radioamateur est une personne autorisée à émettre pour diffuser des messages sur des ondes courtes comme les bandes HF (high frequency) et VHF (very high frequency). Ce hobby suppose une bonne connaissance des radiofréquences, souvent utilisées aux limites de leurs possibilités. Deux bandes permettent notamment d’établir des radiocommunications de loisir :
- La bande 28 MHz (bande HF), aussi appelée bande des 10 mètres, qui correspondent à sa longueur d’onde, permet des communications à très longue portée ;
- La bande 144 MHz (bande VHF), ou bande des 2 mètres, est utilisable en permanence pour le trafic radio local et régional.
Près de 15 000 radioamateurs sont autorisés en France après un examen validant leurs connaissances des ondes radioélectriques et de la réglementation, le plus souvent passé dans les locaux de l’ANFR.
Emissions à longue distance, mais brouillage de proximité…
Un agent de l’antenne de Nancy du service interrégional Est se rend peu après chez le radioamateur pour procéder à quelques mesures. Elles confirment l’existence d’émissions perturbatrices dans la bande longue distance des 28 MHz. Le relevé spectral affiche un pic centré sur 25 MHz, affectant notamment les fréquences 21,5 MHz et 28,8 MHz. Brouillage caractérisé : l’enquête peut démarrer. Il ne reste plus qu’à localiser la source de la perturbation.
La force de l’émission provoquant le brouillage laisse penser à un émetteur proche. C’est donc à pied et armé d’une antenne directive que notre agent se laisse guider, en suivant les indications de son récepteur. Le voilà bientôt au pied d’un petit immeuble où se produit une forte remontée de autour de 25 MHz. L’affichage permet désormais de mieux cerner le type de brouillage : il s’agit d’un émission produite par un équipement en défaut de compatibilité électromagnétique (CEM) : il ne dispose pas des protections nécessaires et émet donc des parasites dans son environnement.
L’enquête de voisinage touche au but
Démarre alors un quadrillage méthodique mais, heureusement, l’immeuble est petit : deux appartements par étage, trois étages, donc seulement six logements à contrôler pour débusquer le brouilleur. Dans un souci d’efficacité, notre gardien du spectre, qui n’en est pas à son coup d’essai, opte pour une démarche astucieuse : il demande à chaque occupant de couper un bref instant son compteur électrique général, ce qui lui permet de voir d’un coup d’œil si le brouillage disparaît.
Cinq appartements plus tard et autant d’explications avec les résidents, perplexes devant son équipement, il sait déjà que le dernier appartement, nécessairement le siège du brouilleur, ne sera pas le plus simple à visiter : son occupant est en effet un gros consommateur de cannabis. Bon sang, mais c’est bien sûr ! L’agent s’épargne cette dernière visite et se rend sans plus attendre à la brigade de gendarmerie…
CQFD : ce qu’il faut démontrer
Avant de passer à la suite des évènements, une petite explication s’impose… Quel lien peut-on faire entre un parasite électromagnétique et un fumeur de ganja ?
Retour sur un cours de sciences de la vie et de la Terre… Pour bien pousser, le cannabis a besoin de deux facteurs : l’air frais et la lumière, permettant la photosynthèse. Les plants de cannabis cultivés en intérieur ont donc besoin d’une circulation d’air mécanique et d’un éclairage intensif. Les multiples enquêtes de l’ANFR ont permis de constater que de nombreux équipements électriques ou électroniques sont impliqués dans les brouillages pour défaut compatibilité électromagnétique : thermostats d’appareils de chauffage, interrupteurs à rhéostat, éclairages fluorescents, néons, lampes LED, lampes UV…
La perquisition
Anticipant un contexte pénal, notre enquêteur décide donc de ne pas intervenir seul : il sollicite les gendarmes, qui prennent aussitôt connaissance des constats techniques réalisés. La précaution était utile : il apparaît en effet que l’occupant de l’appartement a déjà été condamné à 8 reprises, notamment pour trafic de stupéfiants et de vols avec violence. Pour sa sécurité, l’agent assermenté de l’ANFR est donc dissuadé de se rendre dans l’appartement.
Un peu plus tard, des gendarmes effectuent une perquisition lors de laquelle ils découvrent une chambre dédiée à la culture du chanvre dotée de tous les équipements nécessaires. Parmi les matériels trouvés, une lampe UV. Lorsque celle-ci a été débranchée le brouillage s’est immédiatement arrêté : la source était démasquée !
Cette lampe UV n’était évidemment pas utilisée pour le bronzage de son propriétaire mais plutôt pour ses ultraviolets, favorables à la photosynthèse. Pas de chance pour ce cultivateur indoor : c’était cette lampe mal conçue qui, en émettant des parasites électromagnétiques, brouillait le radioamateur tout proche ! Une fois la lampe saisie, le brouillage a cessé.
Le mis en cause, jugé en mai de l’année suivante, a été condamné à une peine d’un an de prison dont 6 mois avec sursis, aménageable, assortie d’une obligation de soins et d’exercer une activité professionnelle